Nous sommes en plein été ;la nuit tombe tard (même sans qu'il y ait l'heure d'été), mais quand même, l'inquiétude commence à se faire sentir . Finalement vers 19h la décision est prise de téléphoner au Père Frescura resté à la colo. Cela semble si simple de nos jours ces prises de contacts. 150 g (environ) de plastique et de verre et le monde entier est joignable . Oui, mais pas en 1959. Le premier téléphone, la fameuse cabine à pièces, est à plus de 2km au village. 20 bonnes minutes de marche à condition d''obtenir son interlocuteur car pas de répondeur au téléphone de la colo. Lorsqu'enfin nous parvenons à le joindre, le Père Frescura nous annonce qu'il nous rejoint avec sa brave 2CV et qu'il appelle la gendarmerie avant de partir. Dans quel ordre tout cela s'est fait cela importe peu . Je sais que nous n'avons même pas eu à monter les tentes. Un paysan nous ayant proposé sa grange pour dormir. La nuit est maintenant tombée. Le père nous a rejoints . Calme et silencieux, mais comme on le connait, cela doit bouillir dans le crane. D'autant que si nous, les monos, nous nous sentons responsables, il est néanmoins évident que légalement, et plus encore moralement ,le brave père est en première ligne. Pour qui connait Rochebonne il y a , en effet, de quoi être inquiet. Les ruines dominent toute la vallée de l'Eyrieux, et si le château a été construit en ces lieux au Moyen Âge (11e et 12e siècle) ce n'est pas sans raison : Jugez en vous même.
La nuit promet d'être longue. Pour le mental , elle le sera forcément. Mais pas trop pour l'horloge, car vers 5h du matin les gendarmes arrivent avec nos deux lascars assez penauds ,on s'en doute. Ce sont les gendarmes qui onus ont relatés ensuite les faits . Comme on s'en était douté, les jeunes avaient fait du stop et s'étaient fait conduire jusqu'aux ruines du Château ignorant qu'on s'arrêterait dans la vallée, au bord de l'Eyrieux. Quand la nuit a commencé à tomber , ils ont compris leur erreur. Alors, ils ont commencé à redescendre mais sans lumière, ni provisions ,ils ont choisi prudemment de demander à une ferme la permission de dormir dans la grange , où les gendarmes, leur voiture munie d'un projecteur , et qui s'adressaient à chaque ferme , les ont retrouvés à 4h du matin dormant paisiblement dans la paille. Ah Jeunesse... . J'ai retenu de cette petite histoire la morale suivante . Non, non !pas celle que vous croyez , style " il faut obéir..etc , etc " , mais celle issue de la conclusion du récit . A la question des gendarmes qui s'étonnaient de l'accueil fait par le couple de paysans, la fermière avait répondu : " On n'a pas hésité à les accueillir car ils étaient si gentils et si polis ". Et c'est vrai que Claude à ce sujet était un modéle. C'était un peu moins vrai pour Alain, mais l'un cachait et cautionnait l'autre. Là est ma morale ,du moins celle que j'ai souvent contée à mes élèves et mes petits enfants à tort ou à raison. " L'habit ne fait peut être pas le moine, mais ça aide bien parfois. " Car si la fermière et son mari avaient connu les deux lascars pas sûr qu'ils auraient été aussi sereins en les logeant dans leur grange. Epilogue :3 mai 2020, j'ai au téléphone (cellulaire celui-là) ce brave Claude, aujourd'hui dans sa soixante quatorzième année. Comme je lui parlais de ce récit, il m'a avoué, avoir porté toute sa vie " comme un boulet le regret de la peine et du souci qu'il savait avoir infligé au Père Frescura. " (ce sont ses propres mots) Quand je vous dis que l'insouciance et l'espièglerie n'empêchent pas un bon coeur! Je l'ai rassuré comme j'ai pu. Qui n'a pas fait des bêtises sans conséquences dans une vie ordinaire? Quant au Père Joseph Frescura (1918-1994) il a sûrement connu , dans sa vie de prêtre, bien d'autres épreuves, et bien plus douloureuses..
Allez le temps d'écrire cette histoire, ,je me suis cru un instant sur le bord de l'Eyrieux, dans la grange de la ferme ou au milieu des ruines de ce coin magnifique où le jour suivant nous avons finalement monté nos tentes. Ah c'est beau le souvenir parfois.
Nous sommes en 1959. Au mois de juillet. C'est le temps de la colo de l'école libre St Mauront dirigée par le Père Frescura. On disait " la colo de l'école " Au temps du Père Antoine c'était " la première colo " par opposition celle du mois d'Août dite " la 2e colo ". Et oui en ces années d'après guerre, il y avait assez de jeunes garçons dans le quartier de St Mauront pour alimenter deux séjours de 60 à 70 participants chacun. Pourtant le prix était assez élevé pour la plupart des familles de ce quartier populaire . (En 1947 mes parents avaient payé 20 000f le séjour alors que mon père les gagnait tout juste dans le mois.) Les locaux de St Agrève n'étaient pas encore dotés de sanitaires modernes. Pour l'eau c'est une source qui alimentait les caisses situées derrière la maison . Mais pour nous c'était un paradis, un hôtel 5 étoiles et même plus. Les colons sont partagés en trois groupes : une douzaine de " benjamins " (entre 7 et 9 ans) , le groupe "des moyens" une quarantaine de 10 à 13 ans et un groupe d'ados , " les juniors " une douzaine environ , de 14 à 17 ans . Oui une belle et grande famille. Au programme ce jour là une excursion qui devait mener les juniors au Château de Rochebonne (25 km) pour y camper une nuit et retour le lendemain .
12 ados deux monos (Jean Marie Scotto et moi Jean Santelli) le tout à faire dormir dans 3 tentes . Après le repas de midi, les provisions et le matériel de cuisine dans les sacs tyroliens, les tentes sur les sacs des plus forts et en route . Et là, comme dirait Marcel Pagnol quand il a découvert les collines de La Treille, commence la féérie. Dans l'air pur du petit matin nous avançons en ordre dispersé. Par groupe de deux ,ou trois ou même en solitaire au libre choix de chacun, nous prenons la départementale D 120 qui mène à St Martin de Valamas. Une voiture de temps en temps nous double ou nous croise. Marcher sur la chaussée ne présente aucun danger . La petite troupe s'étire sur une distance de plus en plus grande . Les premiers et les derniers ne s'aperçoivent parfois plus du tout. Cela n'inquiète personne . Les grands épicéas , géants débonnaires, nous regardent passer et même semblent nous saluer lorsqu leurs branches se courbent sous l'effet du petit vent. Nous nous sommes mis d'accord pour nous rassembler de temps en temps. Petite et dérisoire mesure de sécurité. C'est dire ... Quel bonheur de pouvoir respirer cet air pur, quel enchantement de vivre dans ce paysage calme et grandiose à la fois . Quel bonheur de marcher en toute liberté sur la route qui serpente et domine l'Eyrieux. .
Pourtant il va se passer quelque chose d'imprévu qui aurait pu tourner au drame. Un ado c'est un ado ; et ceux de 1959 ne sont guère différents de ceux de maintenant pour le fait de n'en faire qu'à leurs têtes . Partis après le repas de midi de la colo, nous savons qu'en principe nous atteindrons Rochebonnes pour le repas du soir et l'installation des tentes. Oui, en principe. C'est ce que tout le monde sait croit savoir . Un dernier regroupement ..Tout le mode est là ? Ok On y va Claude et Alain ferment la marche Et comme le lièvre de la fable s'amusent, trainent, tant et si bien qu'à un moment ils comprennent que leur retard commence à être très important. Pas de problème ! On fera signe à une voiture qui passe. Faire de l'autostop a bien sûr été interdit. Mais .si je n 'ai pas le droit, je prends le gauche disait Claude souvent . Ah la belle époque ! Un signe avec le pouce et la première voiture s'arrête ! -Vous allez où les jeunes ? - Rochebonnes .Vous pouvez nous y mener ? - Montez Et voilà pas plus compliqué que ça. Au moment de doubler la petite troupe éparpillées, les deux clandestins se baissent et sont déjà tout fiers à l'idée d'être sur place sans fatigue à l'arrivée des copains , qui eux tireront la langue car ça monte sur 7 km entre St Martin de Valamas et les ruines du du vieux château. Il fait chaud, la marche a été plus lente que prévue. Le groupe arrive au pont de St Martin de Valamas autour de 17h. L'Eyrieux coule avec un petit gazouillis tentant. C'est l'heure du goûter. D'accord on s'arrête. C'est l'heure de la pause.
-Petite prière auprès des monos pour qu'ils permettent une petite baignade . Regardez Juste devant l'Eyrieux s'élargit et forme une sorte de petit bassin. Impossible à des gars de 20 ans de dire non à des jeunes de 15 à 16 ans. - Bon allez y en attendant l'arrivée des deux retardataires. Mais le temps passe et personne en vue. Alors la décision est prise de planter les tentes ici même pour dormir à St Martin. On montera au Château demain matin . Aïe.... La suite demain . Si vous le voulez bien . Bon ...demain aura été le 5 mai.. Alors rendez-vous au 5 mai !!
Lundi 16 mars Bien chers amis, nous vivons un moment difficile pendant lequel il nous faut grandir en confiance. Confiance dans les décisions des autorités que nous aurons soin de bien respecter. C'est une question de solidarité entre nous. Confiance en Dieu. Jésus nous l'a dit : " Je suis avec vous jusqu'à la fin des temps" (Mt 28, 20). Il est normal que nous soyons troublés, perturbés par cette situation, mais si nous sommes dans cette double confiance nous traverserons l'épreuve. En accord avec ma communauté je vais résider ici à Saint-Mauront où je celebrerai l'Eucharistie chaque matin pour vous tous. N'hésitons pas à prendre des nouvelles les uns des autres. Cette pag et les pages Facebook de l'uvre et de la paroisse vous feront des propositions régulièrement. Le Père Marc se joint à moi. Que la Vierge Marie porte nos intentions auprès de son fils et que Dieu nous bénisse. Bien fraternellement, P. Vincent