La colo d'avant...

Le salut aux couleurs

1946 - La guerre vient à peine de finir . La France meurtrie n'a toujours pas digéré la débacle de 1940,et les années de collaboration avec le régime nazi. A l'œuvre, le bon père Boeuf , vétéran de la guerre de 14/18 qui a vécu Verdun, ne cesse de nous répéter que le Maréchal Pétain a fait office de bouclier tandis que le général De Gaulle était le glaive . Bref il faut redonner à la jeunesse ce sentiment de fierté nationale plutôt mis à mal ces dernières années.
En colo, c'est le régime martial qui prédomine dans certains cas. Remarquez que je dis martial et pas militaire . Quand on traversait les villages pour aller jouer aux bois, parfois lointains notamment à la Louvesc, c'est au pas cadencé que nous le faisions.
Il faut dire aussi que étions une bonne centaine ou presque à chaque fois ;En y ajoutant les monos on la dépassait largement. Deux camps :les bleus et les rouges. 6 équipes et voilà nos groupes prêts à traverser le village en marchant au pas mais aussi et surtout en chantant. J'imagine mal une centaine de jeunes (entre 8 et 20 ans) et les adultes accompagnateurs traverser La Louvesc ou St Agrève en pagaille…
Je serais curieux de revoir des images de ces moments …mais la technique photographique (ou cinéma) était rudimentaire, et aussi rare que couteuse, hélas. Seule ma mémoire peut croire qu'elle revoit les choses telles qu'elles ont été. Difficile à transmettre aux nouvelles générations. Je le regrette car cela devait faire un bel effet comme le dit la chanson :


Quand nous traversons la ville
La Louvesc ou Satilleu
Et que nos colons défilent
En chantant un bel air de chez eux
Les passants crient : Ô merveille
Quels sont donc ces fiers enfants ?
Nous leur disons c'est Marseille
Ne reconnaissez vous pas leur accent ;
C'est nous les gars " saintmaurontais "
Qui de Marseille à La Louvesc
Allons toujours marchant
toujours chantant
Joyeusement...


Jusqu' au début des années 60, ce rituel de marche au pas cadencé, perdurera mais sera cantonné à un défilé le dimanche matin dans la cour de la colo de St-Agrève , du moins pour la session de l'œuvre en août (la 2e colo comme nous l'appelions). Le père Albert peut en témoigner
En juillet, la colo du père Frescura l'abandonnera dès 1953. Mais avant le défilé avait lieu la cérémonie du " lever des couleurs " .
Les colons, rassemblés en colonnes pour l'œuvre, en carré comme les scouts pour la colo de l'école, assistaient à cette cérémonie avec tout le sérieux que je retrouverai plus tard à l'armée.
Et pendant que le drapeau montait le long du mat, nous entonnions le chant les trois couleurs :

Les connais-tu, les trois couleurs,
Les trois couleurs de la France ?
Celles qui font rêver les coeurs
De gloire et d'espérance :
Bleu céleste, couleur du jour.
Rouge de sang, couleur d'amour.
Blanc, franchise et vaillance !
Jusqu'à la mort on le défend,
O sublime folie !
Et quand on voit en rougissant,
Son image chérie,
Les yeux sont, de larmes remplis,
Car le drapeau porte en ses plis
L'âme de la patrie.

Petite anecdote: pour pouvoir effectuer le lever des couleurs,il fallait un mat . A St-Agrève , le père Antoine en avait donc acquis un qu'il fallait préserver , question d'économie. Donc chaque année l'équipe chargée de "fermer" la colo, le démontait puis le rangeait dans l'annexe, d'où il était sorti l'année suivante. (Cette ouverture et fermeture de la colo mériterait à elle seule un long récit: un jour peut-être si Emile Pecchioli de là-haut,me souffle quelques détails supplémentaires à ceux qui me restent en mémoire)


Comme la vie était simple, comme la vie était belle. Nous étions fiers d'être français, fiers d'être marseillais, fiers d'être de Saint Mauront, fiers d'être chrétiens. Et tout cela sans animosité pour ceux qui étaient autre chose.
Quand nous chantions le drapeau nous n'étions pas taxés de fascistes , ni de racistes, ni de …je ne sais quoi . Nous avions le respect de nos anciens, de leurs valeurs. Cela ne nous empêchait pas d'avoir nos idoles, nos modes, nos avancées , nos différences .
C'était beau. C'était un moment de partage. De bons souvenirs pour l'enfant que j'étais. Mais les adultes s'en sont mêlés et il est apparu que ce n'était pas bien ….   (Allauch ce 13 août - Jean Santelli)